Tels de modernes Prométhées, les physiciens veulent maîtriser la fusion thermonucléaire du Soleil pour produire sur Terre une énergie propre et abondante avant la fin du XXIe siècle. Des tokamaks et en particulier cellui en construction pour le projet Iter semblent la solution, mais elles demandent encore des perfectionnements. L’une d’entre elles se trouve au CEA à Cadarache et Futura vous en avait déjà parlé. Il s’agit d’un mini-Iter, un laboratoire pour sa mise au point utilisant du tungstène et il vient d’atteindre le 12 février 2025 un record mondial de durée de fonctionnement : 1 337 secondes, soit plus de 22 minutes ! C’est de très bon augure pour Iter !
Il y a plus de 10 ans, Futura vous présentait le projet West (W Environment in Steady-state Tokamak, en anglais) du CEA dans un article en deux parties, dont la seconde se trouve sous ce présent article de février 2025. La première partie c’est ici ! Rappelons que West est une forme upgradée du tokamak avec aimant supraconducteur construit par le CEA, Tore-Supra, implanté à Cadarache.
Le tokamak West bénéficiait d’améliorations qui sont cruciales pour la mise au point du réacteur IterIter, en l’occurrence comme l’expliquait Futura dans l’article ci-dessous, le remplacement de certaines structures, notamment celle appelée divertor par du tungstène (de symbole chimique W à cause du minéralminéral appelé wolframite qui en contient).
Un nouveau record a été obtenu dans le tokamak West, opéré sur le centre CEA de Cadarache : il a maintenu un plasma de fusion chaud de plusieurs dizaines de millions de degrés pendant plus de 22 minutes avec 2,6 gigajoules d’énergie injectée. Un résultat qui améliore de 25 % le précédent record de durée, obtenu par le tokamak chinois East il y a quelques semaines. © CEA
Tore-Supra a longtemps détenu le record du plus long temps de maintenance d’un plasma dans un tokamak, à savoir six minutes et trente secondes mais, récemment, le tokamak chinois East avait brillé pendant 1 066 secondes.
Mais voilà que le CEA vient de faire savoir que West avait maintenant atteint une durée pour un plasma stable porté à 50 millions de degrés de 1 337 secondes : un résultat qui améliore de 25 % celui de East !
Un communiqué du CEA explique également que tout ceci n’est qu’un début : « Dans les prochains mois, l’équipe de West compte prolonger ses efforts, en atteignant de très longues durées de plasma, de l’ordre de plusieurs heures cumulées, mais aussi en chauffant ce plasma à encore plus haute température pour se rapprocher au mieux des conditions attendues dans les plasmas de fusionfusion. »
Une présentation du projet Iter pour la fusion nucléaire contrôlée. Au tout début de cette vidéo, on peut voir Bernard Bigot, l’ancien directeur d’Iter, hélas décédé. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Iter Organization
Iter, le chemin vers le défi de l’énergie propre au XXIe siècle
West est un mini-Iter qui lui-même, pour donner une preuve de principe que l’on peut produire des quantités importantes d’énergiesénergies décarbonées massivement avec la fusion contrôléefusion contrôlée, utilisera comme carburant de base du deutérium, pratiquement inépuisable dans les océans terrestres, mélangé à du tritiumtritium qui bien que très instable et radioactif peut être généré en quantité suffisante pour l’humanité de différentes manières. Il est facile de comprendre pourquoi ce mélange et la fusion thermonucléaire qu’il permet fascinent. Il suffit de savoir qu’un seul de ses kilogrammeskilogrammes peut fournir autant d’énergie qu’environ quatre kilogrammes d’uraniumuranium 235 et autant qu’environ 10 000 tonnes de charboncharbon.
Or, la consommation d’électricité mondiale ne va faire qu’augmenter dans les trois décennies à venir. D’abord parce que la consommation d’énergie va aussi le faire en premier lieu pour assurer une vie décente à l’ensemble de la population mondiale – le monde consomme déjà plus de 15 TWanTWan (térawatt.an) et d’ici 2050, cette valeur devrait presque doubler -, et en second lieu parce qu’il est nécessaire de décarboner la production industrielle pour, en même temps, limiter le réchauffement climatiqueréchauffement climatique et faire en sorte qu’il ne dépasse les fameux 2 °C au-delà desquels la stabilité du climatclimat mondial n’est plus garantie.
À la fois propre et illimitée, la fusion nucléaire est-elle la solution énergétique d’avenir ? En construction dans les Bouches-du-Rhône, le réacteur expérimental Iter doit en faire la démonstration. Et pour cela, Iter dispose d’un allié de choix : le réacteur West du CEA, sorte de « doublure » chargée d’étudier son fonctionnement dans des conditions limites. Voici des explications sur West. © Universcience 2022
West, le prototype d’Iter avec du tungstène à la place du carbone
Nul doute que cela ne sera possible qu’en combinant une importante montée en puissance du nucléaire pour accompagner celle des énergies renouvelablesénergies renouvelables et la capture du gaz carbonique pour le séquestrer géologiquement. C’est ce qu’expliquent par exemple depuis des années Jean-Marc Jancovici, les membres de Sauvons le climat (SLC) ou encore le climatologueclimatologue James Hansen.
Il nous faudra également être plus frugal quant à notre consommation d’énergie individuelle pour partager le plus équitablement possible les ressources de la planète. Mais, même ainsi, il semble inévitable que nous ne puissions atteindre nos objectifs au cours de la seconde moitié du XXIe siècle sans disposer aussi de la fusion contrôlée. On sait que la noosphère l’a bien compris puisqu’elle a entrepris depuis des décennies de maîtriser la fusion contrôlée et qu’une des clés sur le chemin y menant est le succès du réacteur Iter.
Une présentation de la fusion avec confinement magnétique dans un tokamak. © CEA, DR