Les pilotes de la NASCAR comptent parmi les meilleurs au monde, mais lorsqu’ils roulent à la limite de l’adhérence à 320 km/h, les accidents sont inévitables. John Patalak, vice-président de la sécurité à la NASCAR, est bien conscient des risques. Son équipe s’appuie sur une vaste quantité de données, recueillies la fois sur la piste de course et dans un environnement de simulation, afin de maintenir un haut niveau de sécurité.
« En matière de vitesse, nous cherchons constamment à nous améliorer pour répondre plus rapidement aux problèmes de sécurité, déclare-t-il. C’est ce que nos pilotes attendent et exigent de nous. Nous devons être absolument certains de disposer de données fiables avant de demander aux pilotes de prendre des mesures pour améliorer leur sécurité. Il est impossible de se baser uniquement sur des opinions ; il faut s’appuyer sur des données robustes. C’est grâce à cela que nous pouvons prendre des décisions éclairées et avoir l’esprit serein. »
Selon Patalak, bien que les pilotes de la NASCAR subissent davantage d’accidents par kilomètre parcouru que les conducteurs de voitures particulières, le taux de blessures par accident sur piste reste nettement inférieur. La NASCAR se penche particulièrement sur les fractures de compression touchant les vertèbres thoraciques et lombaires de la colonne vertébrale.
Pour comprendre ces types de blessures, la NASCAR s’appuie sur une combinaison de données issues d’un dispositif de test anthropomorphique (ATD), ou mannequin de crash test, ainsi que de nombreuses simulations virtuelles avec le logiciel de simulation dynamique structurelle multiphysique Ansys LS-DYNA.
Ces simulations virtuelles intègrent également le modèle THUMS (Total Human Model for Safety) de Toyota, une représentation numérique du corps humain. Cet outil permet à l’équipe d’effectuer des évaluations plus approfondies des risques de blessures à la colonne vertébrale lors d’impacts frontaux, dépassant les capacités offertes par un simple mannequin mécanique.
« Nous avons mené de nombreuses recherches sur ce type de blessures, affirme Patalak. Vous pouvez utiliser un modèle mécanique, le tester, et le valider. Mais sans simulation, vous êtes limités par les tests empiriques et les mannequins de crash test pour étudier ce mécanisme de blessure spécifique. Les mannequins possèdent bien des cellules de charge au niveau des lombaires, mais leur colonne vertébrale n’est pas très bio fidèle, donc nous atteignons rapidement les limites de cet outil. L’utilisation de la modélisation humaine dans un environnement de simulation permet de dépasser ces limitations. »
On apprend beaucoup des mannequins
Malgré ces limites, l’ATD demeure la principale référence pour les tests de la NASCAR. Ce modèle de mannequin aide l’équipe à valider ses modèles de systèmes de retenue. Pour ce faire, l’équipe doit se référer aux modèles de matériaux des systèmes de ceinture de sécurité, des mousses de siège, du casque et du dispositif HANS (un dispositif de soutien de la tête et du cou, sorte de collier fixé au casque et positionné sous les ceintures d’épaule du pilote).
Avant de passer à la modélisation numérique, l’équipe effectue des tests empiriques avec le mannequin mécanique et tous les équipements de sécurité pertinents. Toute cette configuration est recréée numériquement dans le logiciel LS-DYNA pour analyser toutes les données des capteurs des mannequins, ainsi que d’autres éléments physiques.
La validation par rapport au mannequin empirique confère à l’équipe plus de confiance dans la représentation virtuelle des ceintures de sécurité, des casques, des dispositifs de soutien de la tête et du cou, et des mousses de siège en contact avec le mannequin. Une fois que l’équipe dispose de ces éléments, elle peut retirer l’ATD de l’environnement virtuel et commencer à examiner des problématiques beaucoup plus détaillées et nuancées liées aux mécanismes de blessure avec un modèle numérique du corps humain.
Sur la base de ces analyses, les ingénieurs peuvent ajuster le dispositif de retenue, comme la rigidité de la mousse sur laquelle repose le modèle numérique ou les angles de la ceinture de sécurité, pour apporter des améliorations progressives. Dernièrement, l’équipe examine la posture du modèle avant l’impact. Cela inclut l’activation de certains muscles pour simuler une posture de protection (avec l’aide d’une vidéo à haute vitesse de vrais pilotes lors d’un accident) afin de comprendre comment un pilote positionne son corps dans ce type de situation.
« En cas de fracture thoraco-lombaire de la colonne vertébrale, les données fournies par le mannequin sont quelque peu limitées pour nous aider à comprendre le mécanisme de cette blessure, déclare Patalak. Nous avons choisi de modéliser numériquement le corps humain car cela nous permet d’examiner les contraintes localisées sur chaque vertèbre et de les comparer aux contraintes de rupture de différentes zones de la colonne vertébrale. Il est également possible d’examiner les forces transversales sur chaque vertèbre et les moments de flexion, afin d’extraire toutes ces informations pour optimiser le dispositif dans son ensemble. »
Le logiciel Ansys offre aux ingénieurs un aperçu des performances des casques
Cinq améliorations clés en matière de sécurité ont été identifiées comme vitales pour sauver des vies sur les circuits de la NASCAR.
- boîtes noires pour les données de crash ;
- casques intégraux ;
- dispositifs HANS;
- barrières en acier et mousse pour la réduction d’énergie;
- ceintures de sécurité et sièges améliorés.
Parmi ces innovations, les casques intégraux se distinguent par leurs couleurs vives et leur capacité à protéger la tête des pilotes. Conçus pour répartir la force d’un impact sur l’ensemble de la tête, ils protègent également les pilotes des blessures faciales lors de collisions à grande vitesse.
Quelle est l’efficacité des casques lors d’une course de la NASCAR ? Selon Patalak, il est rare qu’un pilote subisse un impact sévère directement sur la coque du casque. Cela s’explique par le fait que les pilotes de la NASCAR sont bien protégés par des dispositifs entourant la tête et une cage de sécurité. Néanmoins, il y a toujours des possibilités d’amélioration.
L’équipe cherche notamment à améliorer les performances des casques lors d’impacts de faible intensité. L’objectif est de concilier la sécurité avec les attentes des pilotes dans un environnement souvent bruyant, rude et parfois claustrophobe. Les pilotes souhaitent être parfaitement intégrés à la voiture ou « bien couplés » en termes d’ingénierie, grâce au siège et à la mousse absorbant l’énergie, ce qui est très bénéfique pour la sécurité.
Dans le cockpit, le casque d’un pilote est entouré d’une mousse anti-choc, ce qui réduit les risques de blessures à la tête et au cou, mais peut poser des problèmes pour la conduite régulière. Lorsque les pilotes passent sur des bosses et des bordures, ils peuvent être secoués de gauche à droite, provoquant des impacts entre leur tête et la mousse de protection. L’équipe s’intéresse particulièrement à ces impacts de faible intensité qui peuvent devenir gênants pendant une course.
« Pour reproduire ce phénomène, nous appliquons des impulsions caractéristiques aux modèles de mousse de tête dans le système afin d’observer la réaction de la tête du modèle humain, explique Patalak. Ensuite, nous examinons la modification des propriétés des matériaux dans le casque ou la mousse de tête dans le contexte de notre environnement de simulation pour atténuer les effets de ces impacts. »
Des saisons plus sûres grâce à la simulation
Tous ces tests s’inscrivent dans une étude à long terme menée par la NASCAR. Actuellement, l’équipe utilise le logiciel de simulation LS-DYNA pour essayer de développer des tests empiriques. L’objectif est de créer des tests que les fabricants de casques et les organismes de référence, tels que la Snell Memorial Foundation et la FIA (Fédération internationale de l’automobile), pourront utiliser pour évaluer l’efficacité des casques lors d’impacts de moindre intensité.
La Snell et la FIA travaillent à l’évaluation, aux tests et à la réglementation des casques de sport automobile. En collaborant avec ces deux organisations, la NASCAR contribue à améliorer de la sécurité dans le sport automobile.
L’équipe de Patalak examine également les ajustements qui peuvent être apportés aux attaches HANS auxquelles le casque est fixé pour mieux protéger le pilote. Les recherches portent sur l’effet de la longueur, de la hauteur et des angles des attaches sur les charges exercées sur les parties supérieures et inférieures du cou. L’objectif est de trouver l’équilibre dans un environnement de modélisation, afin de réduire considérablement l’accélération de la tête sans augmenter les forces exercées sur le cou lors de l’impact. Ce travail serait très limité, voire impossible, sans l’aide de la simulation.
« L’avantage des simulations LS-DYNA réside dans notre capacité à ignorer les petites variabilités des tests physiques et à évaluer rapidement et à moindre coût les effets de changements minimes sur un système avec un haut niveau de confiance, déclare Patalak. Il est difficile d’estimer la véritable valeur de cet outil, car dans de nombreux cas, les simulations LS-DYNA permettent de réaliser des analyses qui seraient tout simplement impossibles autrement. »