ce que cache vraiment la lettre de soutien des astronautes à Jared Isaacman, le candidat d’Elon Musk

paultensor
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Depuis le début du mandat présidentiel de Donald Trump, la Nasa n’a plus vraiment son chef. Nommé par Joe Biden, l’ancien administrateur Bill Nelson a démissionné le 20 janvier et depuis, la Nasa est dirigée par Janet Petro en qualité d’intérimaire. Jared Isaacman, milliardaire et astronaute non professionnel, qui a tout de même volé deux fois avec les missions Inspiration4 et PolarisPolaris DawnDawn, est le candidat de Donald Trump, sur proposition d’Elon MuskElon Musk.

La confirmation de Jared Isaacman comme administrateur n’est pas du ressort de la Maison Blanche mais du Sénat, qui vote après avoir auditionné le candidat. Le processus va prendre du temps. Venant d’arriver à Washington DC, Isaacman commence les entretiens individuels avec les sénateurs. Sa confirmation pourrait avoir lieu en mai, après une audience publique.

Le soutien d’astronautes porte-voix de leur entreprise ?

Dans une lettre destinée au sénateur texan Ted Cruz, qui dirige le comité dédié au commerce, aux sciences et au transport, 28 anciens astronautes proclament leur soutien à Jared Isaacman : « nous considérons que Jared Isaacman est remarquablement qualifié pour diriger la Nasa ». Ted Cruz n’est que partiellement favorable à la candidature d’Isaacman en raison des risques de conflits d’intérêt (même si ce dernier s’est engagé à démissionner de ses autres activités), des prises de position d’Elon Musk contre le programme Artemis (pour lui une distraction) et contre l’ISS.

Rappelons que Jared Isaacman a déjà dirigé deux vols spatiaux privés avec son programme Polaris : la mission touristique Inspiration4 et la mission Dawn, qui a fait de lui le premier astronaute privé à réaliser une sortie extravéhiculaire, en dépit d’un incident juste avant. Cela lui vaut un minimum de respect de ses pairs. Cette lettre de recommandation pourrait alors avoir beaucoup de valeur aux yeuxyeux des sénateurs. Pourtant, cette liste de 28 anciens astronautes intrigue.

Tous sont retraités de la Nasa et une bonne partie d’entre eux sont d’anciens pilotes de l’US Air Force ou de la Navy, mais ce ne sont pas leurs seuls points communs. Un autre est plus inquiétant : leur seconde vie au service d’entreprises privées, dont certaines sont contractuelles de la Nasa.

Risque de conflit d’intérêt ? La question mérite d’être posée : ce soutien est-il apporté au nom de l’expérience de ces anciens astronautes ou au nom des entreprises qui ont grand intérêt à avoir Jared Isaacman comme administrateur de la Nasa ? Certes, les compagnies ont tout à fait le droit d’affirmer leur soutien, mais le faire grâce à l’aura d’un ancien astronaute suscitera plus la curiosité des sénateurs.

Forte représentation de l’astronautique privée et de l’économie lunaire

Parmi les 28 signataires, 9 travaillent ou ont travaillé pour une entreprise de vol habité : tourisme spatialtourisme spatial, stations spatialesstations spatiales commerciales. D’ailleurs, certains d’entre eux y travaillent comme astronaute ! C’est le cas de Michael Lopez Alegria et de la fantastique Peggy Whitson chez Axiom Space, ou de Drew Feustel devenu chef astronaute chez VAST. D’autres sont conseillers, comme Karen Nyberg chez Voyager Space.

Jared Issacman ayant lui-même fondé son programme de vol habité privé Polaris et financé ses deux missions, il est assez normal pour lui d’avoir cette solidarité de la part du monde du vol habité privé. Mais le soutien n’est pas dépourvu d’intérêt, car c’est Isaacman qui arbitrera quelle compagnie opérera une station spatiale privée en orbite basse en remplacement de la Station spatiale internationale. Axiom Space, Voyager Space et VAST sont toutes trois concurrentes.

Parmi les signataires, on retrouve aussi quelques représentants d’entreprises de missions lunaires comme Jack Fischer, vice-président d’Intuitive Machines (connue pour les missions Athena et Odysseus), ou Ron Garan en tant que P.-D.G. de la filiale américaine du groupe ispace (missions Hakuto). Or, ces entreprises sont en contrat avec la Nasa dans le cadre du programme CLPS de financement de missions robotiquesrobotiques sur la LuneLune en préparation des missions Artemis.

Une partie des anciens astronautes signataires font aussi partie du milieu de l’industrie spatiale ou aérienne (ce qui concerne aussi la Nasa qui a un programme aérien), ou travaillent pour des fonds d’investissements dans des technologies spatiales. Seules exceptions : les astronautes Mike Foreman (maire de la ville de Friendswood) et Scott Kelly. Ce dernier avait passé un an dans l’espace, tandis que son frère jumeaujumeau Mark était resté au sol. Mark Kelly s’était dernièrement fait insulter par Elon Musk sur X. On note aussi la signature de John Grunsfeld, qui soutenait la candidature de Kamalah Harris aux élections.

Silence de la Nasa

Entendons-nous bien : les astronautes ont bien sûr droit à une nouvelle vie après leur retraite de la Nasa. Purs passionnés, ils ne prennent réellement leur retraite que très tardivement, voire jamais. Beaucoup poursuivent leur carrière dans l’armée ou la recherche scientifique, soutiennent des fondations, donnent des cours en université, font des conférences, etc. Certains poursuivent dans le privé et parfois fondent leur entreprise. Ils ont d’ailleurs fait l’objet d’un véritable mercato il y a quelques années.

Dans cette lettre de soutien, c’est la proportion d’anciens astronautes travaillant dans le privé qui inquiète. Leur soutien s’ajoute à celui d’anciens cadres et administrateurs de la Nasa qui travaillent aujourd’hui dans l’industrie spatiale et qui ont, eux aussi, un certain potentiel d’influence.

Mais, on est aussi dans l’attente de l’avis de leurs collègues en poste à la Nasa. Face à l’intense lobbying du privé, l’agence spatiale est tétanisée à l’idée d’une purge d’une part considérable de son budget sous Donald Trump…

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