L’exploration robotique commerciale de la Lune est aujourd’hui au cœur des débats. Touchant à sa fin, la mission Blue Ghost de Firefly Aerospace pour la Nasa est la seule à avoir réussi pour le moment. Pourtant, on peut dire que les vents sont favorables.
C’est un succès total pour Blue Ghost de Firefly Aerospace. Après avoir aluni le 2 mars dernier, la sonde a envoyé un dernier message dans la nuit de dimanche à lundi avant de s’éteindre. La nuit est tombée sur la mer des Crises et elle dure 14 jours sur Terre et la sonde n’a pas été conçue pour survivre aux températures nocturnesnocturnes extrêmement basses pendant une telle durée.
Le bilan de Blue Ghost M1M1 est excellent, de son décollage le 26 avril jusqu’à son extinction aujourd’hui. Au total, l’atterrisseur est resté actif pendant 346 heures, soit l’entièreté de la journée lunaire, a envoyé des données scientifiques plus que satisfaisantes, et a même réussi à photographier une éclipse du Soleiléclipse du Soleil par la Terre !
Surclassé, mais classe !
Blue Ghost nous a offert de magnifiques clichés lunaires, y compris la photo de l’éclipse du Soleil par notre Terre qui est juste sublime ! Mais la mission a aussi rempli 100 % de ses objectifs scientifiques, selon Firefly Aerospace. Sur les 119 gygabytes de données transmises, 51 proviennent de la dizaine d’instruments scientifiques de l’agence.
Le fantôme bleu a notamment réussi le « forage robotiquerobotique le plus profond jamais réalisé », étudié le nuagenuage de poussière soulevé par le souffle du moteur principal lors de l’alunissage, testé des boucliers électromagnétiques contre cette poussière, collecté des échantillons de régolithe par un système qui souffle de l’azote, et même réussi à capter des signaux GPS depuis la Lune. Ces nombreuses premières sont très instructives pour préparer l’arrivée de missions plus ambitieuses sur la Lune.
Blue Ghost M1 a coûté 101,5 millions de dollars à la NasaNasa. C’est peu cher pour une mission lunaire, mais les objectifs étaient eux-mêmes limités. De plus, le lancement a sans doute coûté plus cher que prévu initialement, car Blue Ghost devait d’abord décoller à bord de la fuséefusée Alpha de Firefly Aerospace, mais la petite fusée n’était pas assez puissante. Ainsi, Blue Ghost s’est retrouvée surclassée en décollant à bord d’une fusée Falcon 9 de SpaceXSpaceX. Cela a donné beaucoup plus de marge en carburant, ce qui a définitivement garanti le succès de l’alunissage.
Seul succès du programme CLPS
Quand Donald Trump active le programme lunaire Artemis lors de son premier mandat, la Nasa lance en parallèle le programme CLPS (Commercial Lunar Payload Service), dont le but est d’acheter des missions commerciales low cost pour déployer des instruments scientifiques et faire des tests en amont des ambitieuses missions habitées sur la Lune. L’objectif est à la fois de réduire les risques technologiques des missions habitées sur la Lune et de solliciter l’industrie spatiale américaine pour qu’elle développe de nombreuses sondes lunaires.
Jusqu’à Blue Ghost, le programme était un échec… mais attendu. Les compagnies sollicitées par la Nasa avaient peu ou pas d’expérience en mission lunaire. Un alunissage sur la Lune reste extrêmement difficile (seule la Chine a 100 % de réussite avec ses missions Chang’e). En janvier 2024, la sonde Peregrine d’Astrobotics raterate son insertion en orbiteorbite lunaire. En février 2024, Odysseus d’Intuitive Machines réussit à se poser, mais tombe sur le côté. Un an plus tard, sa petite sœur Athena réalise aussi un atterrissage bancal !
Firefly a aussi expérimenté un échec sur la Lune, en participant à la mission israélienne Beresheet qui s’est soldée par un crash lunaire en 2019. Ces échecs, la Nasa en avait parfaitement conscience. Mais une dizaine d’autres missions sont prévues, et à la fin du programme CLPS, les États-Unis auront à disposition une flotte d’atterrisseurs lunaires fiables, car les compagnies auront depuis appris de leurs erreurs. La Nasa y serait-elle parvenue toute seule avec le même budget ?
Perspectives planétaires
La Chine a réussi son premier atterrissage sur Mars en 2021 avec Tianwen-1, un atterrisseur dont le design est dérivé des sondes lunaires Chang’e 3 et 4 qui avaient réussi un alunissage 100 % automatique. L’atterrisseur de la mission chinoise de retour d’échantillons martien Tianwen-3 est dérivé des missions de récupération de roches lunaires Chang’e 5Chang’e 5 et 6.
La Lune est un parfait terrain d’apprentissage pour apprendre à se poser sur Mars. Dans sa nouvelle stratégie d’exploration robotique martienne, la Nasa compte multiplier les missions, mais avec des objectifs plus spécialisés qui ne nécessitent pas forcément un roverrover à plusieurs milliards de dollars comme PerseverancePerseverance. Avec le programme CLPS, la Nasa aura à sa portée un bassin industriel expérimenté plus riche que partout au monde pour tenter Mars avec de nouveaux atterrisseurs. C’est un gros avantage pour partir en éclaireur de futures missions habitées sur Mars, la Planète rouge !