voici Quipu, un monstre de 1,3 milliards d’années-lumière !

paultensor
Lecture en 9 min
À propos des liens affiliés : Sur ce site, certains liens sont affiliés. Cela signifie que si vous cliquez et effectuez un achat, je peux recevoir une petite commission, sans frais supplémentaires pour vous. Je m’engage à recommander uniquement des produits et services que j’ai testés ou qui reflètent des standards de qualité élevés. Ces contributions me permettent de maintenir ce site et de continuer à partager du contenu qui vous est utile. Merci pour votre confiance et votre soutien !

Un article déposé sur arXiv en accès libre, dont le contenu a été publié dans le célèbre journal Astronomy and Astrophysics, est sur le devant de la scène de l’actualité astronomique. Il est fait état d’un super amas de galaxies, rassemblant donc des amas de galaxies, contenant, et c’est un multiple record, environ 200 millions de milliards de masses solaires (pour mémoire, notre Voie lactée contient environ 300 milliards de masses solaires) dans une superstructure s’étendant sur environ 1,3 milliard d’années-lumière.

Elle a été baptisée « Quipu » par les cosmologistes, en référence aux célèbres quipus incas, plus généralement à ces ensembles de cordes, de cordelettes et de nœuds qu’utilisaient les civilisations andines pour encoder et garder une trace de diverses informations.


Des explications sur l’astronomie avec des rayons X avec un des successeurs de Rosat. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa

Un chapelet d’amas de galaxies qui brillent avec des rayons X

Quipu contient elle aussi des renseignements sur l’UniversUnivers observable, son contenu présumé en matière noirematière noire et énergie noireénergie noire et même la nature de ces composants sombres du CosmosCosmos. Mais pour la mettre en évidence, il a fallu traiter des archives de la noosphère concernant des observations en rayons Xrayons X des amas de galaxies faites il y a plus d’une décennie par le satellite allemand Rosat (Röntgensatellit), lors d’une campagne d’observation de toute la voûte céleste, baptisée Rosat All-Sky Survey. Aujourd’hui, ces archives sont plus généralement exploitées pour le programme Cosmic Large-Scale Structure in X-rays (Classix).

Rappelons que les amas de galaxies baignent dans un gazgaz intra-amas de matière baryonique, c’est-à-dire composée de protonsprotons et de neutronsneutrons, mais devenu si chaud que les atomesatomes les contenant se sont ionisés en donnant un plasma à plus d’un million de degrés, bien que très peu dense. Comme dans le cas de notre SoleilSoleil, ce plasma émet des rayons X, de sorte que l’on peut se servir de ces émissionsémissions pour cartographier des concentrations d’amas de galaxies formant de grandes structures.

Pour comprendre un peu mieux les implications potentielles de la découverte de Quipu, rappelons que le modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard repose sur les équationséquations de la relativité généralerelativité générale d’EinsteinEinstein. C’est un système d’équations non linaires, comme celles de Navier-Stokes en mécanique des fluides et pour cette raison, elles sont difficiles à résoudre analytiquement et nécessitent parfois d’avoir recours à des simulations numériquessimulations numériques sur des ordinateursordinateurs puissants.

Toutefois, si l’on considère que les galaxies sont un peu comme les moléculesmolécules d’eau, alors à suffisamment grande échelle elles peuvent constituer l’équivalent continu et homogène d’un liquideliquide, ce qui permet de simplifier les équations de la relativité générale.

Nous savons, grâce à l’étude du rayonnement fossile, que quelques centaines de milliers d’années après le Big BangBig Bang, les distributions de matière normale formaient un fluide particulièrement homogène. Mais, des fluctuations de densité dans la concentration des particules de matière noire (si l’on croit à leur existence) existaient déjà et s’effondraient gravitationnellement, entraînant rapidement les atomes pour former des étoilesétoiles et les premières galaxies.


Depuis 13,7 milliards d’années, l’Univers n’a cessé d’évoluer. Contrairement à ce que nous disent nos yeux lorsque l’on contemple le ciel, ce qui le compose est loin d’être statique. Les physiciens disposent des observations à différents âges de l’Univers et réalisent des simulations dans lesquelles ils rejouent sa formation et son évolution. Il semblerait que la matière noire ait joué un grand rôle depuis le début de l’Univers jusqu’à la formation des grandes structures observées aujourd’hui. © CEA Recherche

Des structures galactiques qui dépendent de la nature de matière noire et de l’énergie noire

On peut se servir des caractéristiques de ces fluctuations de densité révélées par le rayonnement fossilerayonnement fossile pour alimenter des simulations qui vont montrer comment au cours des milliards d’années ces concentrations vont former des amas de galaxies en évolution. Amas se regroupant en filament entourant des zones bien moins peuplées de matière, noire ou pas, que l’on appelle des bulles de vides cosmiques.  

Au cours du temps, le cosmos devient donc de moins en moins homogène et l’échelle d’espace, au-dessus de laquelle on peut approximativement à nouveau le considérer comme formé d’un fluide, augmente en taille.


Une des simulations (Deus) conduites dans le cadre du modèle cosmologique standard dit ΛCDM. La matière noire, distribuée de façon presque homogène à l’issue du Big Bang, s’effondre gravitationnellement en donnant des structures de plus en plus nettes au cours des milliards d’années avec des filaments contenant galaxies et amas de galaxies. © DEUSConsortium

En fait, cette échelle et la forme des filaments d’amas de galaxies dépendent de la nature de la matière noire et de l’énergie noire. Ces distributions de matière récentes perturbent potentiellement la vitessevitesse d’expansion et la propagation des rayons lumineux via le phénomène de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle.

Quipu nous donne donc potentiellement des indices pour contraindre les propriétés de l’énergie noire et de la matière noire et peut-être aussi pour résoudre la fameuse tension avec la constante de Hubbleconstante de Hubble-Lemaître.

Un des phénomènes intéressant à étudier dans tout ce contexte de découvertes possible est un phénomène observable dans le rayonnement fossile, appelé l’effet Sachs-Wolfe intégré (ISW pour Integrated Sachs-Wolfe, en anglais), en l’honneur de Rainer Kurt Sachs et Arthur Michael Wolfe qui l’ont découvert théoriquement en 1967.


Des illustrations complétant les explications sur l’effet Sachs-Wolfe intégré. © CC by-nc-nd 4.0. Swinburne Animation Productions

Le saviez-vous ?

Lorsqu’un photon traverse une zone où règne un champ de gravitation lié à une distribution de masse particulière, par exemple un amas de galaxies (galaxy cluster, en anglais, comme le montre la vidéo ci-dessous), il tombe en quelque sorte dans une cuvette d’énergie potentielle. Sa longueur d’onde est décalée vers le bleu car il gagne de l’énergie au fur et à mesure qu’il chute vers le centre de la cuvette. Inversement, lorsqu’il remonte la cuvette, sa longueur d’onde est décalée vers le rouge, car il perd de l’énergie. La situation est identique à celle d’une bille gagnant de l’énergie cinétique aux dépens de l’énergie potentielle lorsqu’elle chute dans une cuvette, et en perdant lorsqu’elle en remonte la paroi.

Normalement, la conservation de l’énergie fait qu’en sortant de la cuvette de potentiel, le photon sortant a les mêmes caractéristiques que le photon entrant. Tout change dans un Univers en expansion, et surtout en expansion accélérée lorsqu’on considère un photon traversant un amas de galaxies.

À ce niveau, de l’énergie noire peut contrecarrer l’effondrement d’un amas ou simplement ralentir la formation de celui-ci. Dans tous les cas, la cuvette évolue au cours du temps. Elle se creuse ou au contraire devient moins profonde. Ce faisant, l’énergie d’un photon sortant ne sera pas la même que lorsqu’il est entré dans la cuvette. Lorsqu’une structure s’effondre, le photon y perd de l’énergie et émerge décalé vers le rouge. Inversement, si la structure est en expansion, la cuvette devient moins profonde et le photon émerge décalé vers le bleu.

Partager cet article