En 60 ans, l’humanité a réussi à assécher presque totalement la mer d’Aral, autrefois l’un des plus grands lacs salés au monde. Une catastrophe environnementale dont les effets se répercutent jusque dans les roches du manteau, à 200 kilomètres sous nos pieds !
C’est certainement l’un des symboles de la mauvaise gestion environnementale qui frappe aujourd’hui de nombreuses régions du monde. Avec ses 67 000 km2, la mer d’Aral, située en Asie centrale, était considérée dans les années 1950 comme le quatrième plus grand lac salé au monde. Mais le détournement des fleuves l’alimentant, notamment pour l’irrigation des rizières du Kazakhstan ou des champs de coton d’Ouzbékistan, a eu raison d’elle. Il ne reste ainsi aujourd’hui que de maigres poches d’eau, entourées d’un paysage aride, encrouté par le sel.
Un énorme poids en moins sur la croûte
En à peine 60 ans, ce sont environ 1 000 milliards de tonnes d’eau qui se sont évaporées. Un assèchement dramatique qui a très fortement impacté le climat et les écosystèmes régionaux, mais aussi les populations humaines des villages alentour, qui dépendaient en grande partie de ce lac pour la pêche et l’industrie.
La disparition de la mer d’Aral a même eu une conséquence bien plus… profonde. Des mesures par satellites (interférométrieinterférométrie radar), réalisées entre 2016 et 2020, ont en effet montré que le bassin de la mer d’Aral se soulevait d’environ 7 millimètres par an. Cet effet, que l’on appelle le rebond isostatique, avait été supposé dans de précédentes études, mais jamais quantifié. Ce soulèvement, qui concerne d’ailleurs la région dans les 500 kilomètres autour du lac, s’explique par la décompression des roches de la croûte continentale, suite à la disparition du poids de l’eau. Il s’agit du même phénomène que l’on observe en Scandinavie avec la disparition des glaciersglaciers de la dernière ère glaciaire ou en Antarctique.
Un impact humain jusque dans le manteau terrestre
La vitessevitesse de cet ajustement isostatiqueajustement isostatique dépend notamment de la rhéologie locale du manteaumanteau, c’est-à-dire de la capacité des roches à se déformer et à fluer. La relaxation de la croûtecroûte implique en effet un fluagefluage des roches du manteau en profondeur. Grâce à ces mesures de soulèvement au niveau de la mer d’Aral, les chercheurs ont ainsi pu modéliser et mieux contraindre la rhéologierhéologie de l’asthénosphèreasthénosphère et du manteau lithosphériquelithosphérique dans cette région.
Les résultats, publiés dans la revue Nature geoscience, ont ainsi permis d’estimer plus précisément la viscositéviscosité de la partie supérieure de l’asthénosphère dans cette région et révèlent que l’assèchement de la mer d’Aral aurait un effet sur des roches situées jusqu’à 190 kilomètres de profondeur ! Il s’agirait ainsi de l’impact le plus « profond » connu à ce jour d’une action humaine sur les processus géologiques.