Même en 2025, la salle de sport reste un milieu hostile pour les femmes

paultensor
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Avec l’évolution progressive des mœurs et des consciences, bien que le masculinisme soit en nette augmentation chez les jeunes, on pourrait penser que les inégalités de genre sont un lointain souvenir. Pourtant, lorsqu’on regarde autour de nous, elles sont bel et bien toujours présentes. La salle de sport fait partie de ces milieux qui sont historiquement et culturellement préférentiellement occupés par des hommes. Cet constat est toujours vrai, même si les statistiques évoluent avec une fréquentation féminine de plus en plus grande. Malgré ça, l’expérience des femmes au sein des salles de sport n’a rien à voir avec celle des hommes. Cet état de fait peut être préjudiciable du point de vue de la santé publique.

En effet, une expérience désagréable, voire violente psychologiquement, dans un lieu dédié au sport et au bien-être peut agir comme un frein et limiter l’activité physiquephysique des femmes, augmentant leur risque de développer des pathologies liées à la sédentarité. Dans une récente étude publiée dans la revue PLOS One, des chercheurs et chercheuses irlandais et britanniques retranscrivent l’expérience d’un échantillon de 279 femmes dans les salles de sport à l’aide de données quantitatives et qualitatives.

Les femmes interrogées et la méthodologie utilisée 

Sur les 279 femmes interrogées et recrutées via les réseaux sociaux, 85 % ont entre 18 et 49 ans, 68 % sont caucasiennes, 84 % se rendent régulièrement en salle de sport, 50 % sont américaines ou britanniques, 72 % sont valides et 61,6 % se déclarent hétérosexuelles. Concernant leur pratique sportive respective, 85 % se rendent à la salle de sport deux à six fois par semaine, 67 % s’entraînent trois à neuf heures par semaine et 54,8 % pratiquent exclusivement la musculation. D’autre part, 52,7 % se perçoivent comme ayant un poids normal et 37,6 % ont un objectif de perte de poids. Elles ont toutes répondu à un questionnaire de 130 questions en ligne.

Les corrélations entre les différentes facettes de l’image du corps

C’est un fait robuste dans la littérature scientifique : les femmes souffrent plus d’insatisfaction corporelle et perçoivent leur corps plus négativement et cela peut conduire à des comportements d’évitement de l’exercice physique, qui plus est dans un environnement comme la salle de sport, souvent remplie de miroirsmiroirs.

Les scientifiques ont investigué les liens statistiques existant entre différents aspects de l’image du corps : l’appréciation corporelle, l’appréciation fonctionnelle, l’attitude socioculturelle concernant son apparence, l’internalisation des stéréotypes de minceur. Les trois corrélations significatives d’intérêt suggèrent un lien entre l’appréciation corporelle et l’internalisation des stéréotypes de minceur (r = -.745, suggérant que plus on a une bonne appréciation de son corps, moins on a internalisé les stéréotypes de minceur), l’appréciation corporelle et la fonctionnalité de son corps (r = .626, suggérant que plus on a une bonne appréciation de son corps, plus on le trouve fonctionnel), la fonctionnalité de son corps et l’internalisation des stéréotypes de minceur (r = -.527, suggérant que plus on a internalisé les stéréotypes de minceur, moins on trouve son corps fonctionnel).

L’expérience des femmes en salle de sport 

Passons maintenant à l’aspect qui nous intéresse pleinement : comment les femmes décrivent-elles leurs expériences en salle de sport et peut-on dégager des aspects systémiques de ces descriptions en lien avec l’image du corps et avec les normes masculinistes qui règnent au sein des salles de sport ? Les questions étaient mixtes avec des items ouverts, d’autres fermés et concernaient l’impact de certaines variables sur le comportement et l’expérience des femmes au sein des salles de sport, notamment l’apparence physique, les vêtements, l’environnement général (le type de salle, les habitudes d’entraînement, les endroits préférés au sein de la salle et la relation avec les miroirs) et les interactions avec les autres adhérentes et adhérents). 

Quatre sous-thèmes en réseaux

L’analyse des réponses formulées par l’échantillon de femmes interrogées permet de mettre en exergue quatre grandes thématiques de l’expérience en salle de sport : l’impression de n’en faire jamais assez, de n’être jamais assez bien, une critique exacerbée envers soi-même, l’impression d’être exposée en vitrine pour la consommation visuelle des hommes et – pour finir sur la seule note positive – une sensation de reprise de contrôle sur soi, que les auteurs et autrices qualifient d’empouvoirement. 

La première thématique se donne à voir dans des discours sur le jugement perçu des femmes vis-à-vis de leur apparence (« Je prends du muscle relativement facilement contrairement à beaucoup de femmes et je m’inquiète souvent de la façon dont ma musculature est perçue ») et de leur performance (« Souvent, j’ai envie de porter mon pantalon de travail, qui ressemble à un pantalon cargo, mais j’ai l’impression de ressembler à une débutante si je ne porteporte pas de legging »).

La deuxième apparaît dans les propos qu’ont les femmes vis-à-vis d’elles-mêmes : (« Je suis trop vieille et ma taille et mon ventre ne rendent pas bien dans un crop top », « Étant plus musclée que la moyenne des femmes, 99 % des vêtements ne sont pas faits pour mon corps, j’en suis très consciente et je ne me sens pas bien »).

La troisième se fait ressentir dans les expériences d’harcèlement ou d’insécurité (« Je ne veux généralement pas être approchée par qui que ce soit à la salle, mis à part mes amis. Une de mes amies s’est faite assassinée par un homme avec lequel nous venions à la salle. Cela a contribué à ma sensation d’insécurité et à ma réticence à interagir avec des hommes à la salle »), de lutte pour la prise d’espace (« Il m’est souvent arrivé d’être la seule femme à faire du squat ou du soulevé de terre lorsque mon rack ne contenait plus qu’un ou deux disques. Plusieurs fois, des hommes sont venus prendre les disques de mon rack alors que d’autres racks étaient plus proches d’eux ou avaient plus de disques disponibles. Cela m’a souvent contrarié car il n’y a aucune raison pour qu’ils prennent le poids de mon rack, si ce n’est qu’ils ne veulent pas le prendre à un homme ») et de leur apparence (« Je me sens à l’aise en short parce que je sais que mes jambes sont plutôt musclées »).

La quatrième et dernière thématique fait référence aux propos d’empouvoirement des femmes vis-à-vis de la salle de sport qu’elle fréquente (« Je préfère m’entraîner dans ma petite salle de sport, qui est plus axée sur le levage de type strongman/olympique, que dans une salle de sport commerciale polyvalente, parce qu’il y a beaucoup moins de jugements et que les gens semblent plus amicaux ») et d’elles-mêmes (« C’est très valorisant pour une femme de s’approcher d’une salle de musculation dominée par les hommes, de sentir le regard critique des hommes qui se demandent « qu’est-ce qu’elle fait ici », et de finir par les surpasser tous. Soulever des poids lourds me donne l’impression d’être une femme forte »). 

Les chercheurs et chercheuses proposent plusieurs pistes d’intervention qui se déclinent selon quatre niveaux d’analyse : 

  1. Le niveau individuel : implémenterimplémenter des interventions pour améliorer l’image du corps des femmes et réduire l’internalisation des idéaux athlétiques et promouvoir une approche holistique du fitness en encourageant d’autres sources de motivation pour les femmes que celle de leur apparence physique (améliorer sa force, sa santé mentale et physique).
  2. Le niveau interpersonnel : déployer des politiques anti-harcèlement au sein des salles au niveau des membres et du staff en exigeant une tolérance zéro. Former efficacement le staff à repérer des situations d’harcèlement et à y répondre de façon adaptée afin de créer une atmosphèreatmosphère sécure et inclusive. Créer un système efficace pour rapporter les incidents et les agressions (boîtes mails anonymes, par exemple).
  3. Le niveau organisationnel : agencer l’espace de la salle pour que les femmes de toutes tailles et de toutes corpulences puissent facilement y accéder et s’y sentent bien, par exemple en investissant dans des équipements « user-friendly ». S’assurer que les nouveaux membres se sentent bien dans la salle en leur donnant des indications appropriées. Rendre les supports de communication, de publicité plus inclusifs pour une diversité de corpulence, de genre, d’ethnie et de validité. Produire des vêtements qui prennent en compte les besoins des femmes et s’adaptent à toutes les corpulences.
  4. Le niveau social : développer et promouvoir les industries qui pourront produire les équipements et les habits mentionnés ci-dessus. Encourager un changement culturel pour que les individus se focalisent plus sur les bénéfices d’une activité physique en matièrematière de plaisir et de santé plutôt qu’en apparence. Cela peut passer par des campagnes de santé publique et une représentation plus importante dans les médias, par exemple.
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