Les particules de matière noire restent élusives. Mais, si elles existent vraiment, on a peut-être une preuve de leur présence au cœur de la Voie lactée, en supposant qu’il s’agisse de particules plus légères que celles généralement considérées et que l’on appelle des Wimps. En se désintégrant, ces particules expliqueraient l’ionisation anormale de grands nuages moléculaires proches du trou noir supermassif central de notre Galaxie.
Il a fallu attendre une vingtaine d’années entre la prédiction théorique de l’existence des neutrinosneutrinos et sa vérification par l’expérience en utilisant un réacteur nucléaire, et une cinquantaine d’années entre la prédiction de l’existence du boson de Brout-Englert-Higgs et sa découverte dans les détecteurs du LHC.
Les physiciensphysiciens et les astrophysiciensastrophysiciens traquent les hypothétiques particules de matière noirematière noire depuis une quarantaine d’années et on pensait qu’on les aurait détectées directement ou indirectement au cours des années 2010 tout au plus. Peut-être que la démonstration de leur existence est proche, mais parmi le zoo des théories prédisant la nature de ces particules nécessaires jusqu’à preuve du contraire pour tout à la fois faire naître rapidement les galaxies et expliquer les caractéristiques de la plus vieille lumière de l’Univers (celle du rayonnement fossile), bon nombre d’entre elles ont été réfutées par les expériences maintenant.
Un scénario pour la détection indirecte de la matière noire
Les chercheurs ne se sont pas encore découragés, comme le montre un récent article publié et que l’on peut trouver en accès libre sur arXiv. On le doit au grand cosmologiste britannique Joseph Silk, bien connu pour ses ouvrages grand public sur le Big Bang, la matière et l’énergie noire, qui avait fait une fascinante proposition avec son collègue Paolo Gondolo pour mettre en évidence indirectement l’existence des particules de matière noire.
En effet, certains modèles de particules de matière noire issus de la physique théorique des hautes énergiesénergies prédisaient que ces particules pouvaient s’annihiler, tout comme le feraient un électronélectron et son antiparticuleantiparticule, le positronpositron. Ces mêmes modèles transposés en cosmologiecosmologie permettaient de penser que des concentrations de matière noire devaient se former autour des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs des galaxies, ce qui favoriserait les rencontres et donc les annihilations entre particules de matière noire. Au final, le centre des galaxies, y compris et peut-être surtout notre Voie lactéeVoie lactée, devait se comporter comme des sources compactes de photonsphotons gamma, mais aussi d’électrons, de positrons, de protonsprotons, d’antiprotonsantiprotons et de neutrinos dans le rayonnement cosmique.
Joseph Silk est un cosmologiste de renom qui a occupé des postes dans trois des plus grandes universités mondiales : l’université Johns-Hopkins, la Sorbonne et l’université d’Oxford. Le professeur Silk est l’un des plus grands experts mondiaux en cosmologie théorique, matière noire, formation des galaxies et rayonnement de fond diffus cosmologique. Ses études sur la formation des galaxies et ses travaux sur la dynamique de la perte de masse et les mécanismes de rétroaction de la formation et de l’évolution des étoiles ont constitué une base essentielle pour les travaux ultérieurs dans ce domaine important. En 2011, il a remporté le prix Balzan pour ses travaux pionniers sur l’Univers naissant. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Gresham College
Avec ses collègues, Pedro De la Torre Luque et Shyam Balaji, Joseph Silk s’interroge aujourd’hui sur la Central Molecular Zone (Zone moléculaire centrale ou ZMC en français) une région qui s’étend au centre de la Voie lactée et se trouve donc dans la constellationconstellation du Sagittaire. C’est un complexe de nuagesnuages moléculaires géants estimé à 60 millions de massesmasses solaires. La ZMC diffère considérablement des autres régions de la Voie lactée en matière de densité de gazgaz, de température et de turbulenceturbulence. Ainsi, sa densité de gaz moléculaire est supérieure de plusieurs ordres de grandeurordres de grandeur à celle du disque galactique.
Des flux de particules chargées augmentés
Mais ce qui intéresse les astrophysiciens des particules, c’est que diverses mesures indiquent un taux d’ionisationionisation des moléculesmolécules H2 étonnamment élevé dans la Zone moléculaire centrale. Or, on sait modéliser et estimer les flux de rayons cosmiquesrayons cosmiques dans la Voie lactée, faisant intervenir des particules chargées produites par des sources classiques, des supernovaesupernovae, des naines blanches, etc. Il se trouve que ces flux ne permettent pas d’expliquer des taux d’ionisation aussi élevés dans la ZMC.
Joseph Silk et ses collègues démontrent aujourd’hui que l’on peut précisément expliquer ces taux en postulant l’annihilation de particules de matière noire sub-GeVGeV, c’est-à-dire de particules plus légères que les fameuses Weakly Interacting Massive Particles (Wimps) qui ont été les candidates les plus souvent introduites dans les modèles de matière noire en cosmologie et astrophysiqueastrophysique. Rappelons qu’en unité d’énergie selon la formule d’EinsteinEinstein E =mc2, la masse d’un proton est d’environ 1 Gev et dans les collisions de protons au LHC on peut théoriquement produire des particules de matière noire dont la masse serait de l’ordre de mille protons justement. La difficulté avec les particules de matière noire pour les détecter directement étant qu’elles interagissent très faiblement avec la matière normale, essentiellement par la gravitationgravitation.
Les particules sub-Gev considérées se désintégraient en paires d’électrons et positrons capables d’ioniser les molécules. Remarquablement, ces paires peuvent s’annihiler également en donnant des photons à des énergies de l’ordre de 511 keV (1 Gev vaut 1 million de keV) et il se trouve que l’on note justement un excès de photons à ces énergies dans le centre de la Galaxie dont on ne sait pas très bien expliquer l’origine. Silk et ses collègues pensent que leur travail se connecte aisément à ces photons X.