La chèvre domestique est une experte du comportement humain !

paultensor
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Retrouvez le podcast à l’origine de cette retranscription dans Bêtes de science. © Futura

 

Ah te voilà ! Je te propose de prendre un peu de hauteur et d’aller rendre visite à des copains, Samuel et Julie, qui vivent à plus de 400m d’altitude, dans un cadre enchanteur, face à la chaîne des Pyrénées. Direction, le Comminges, à 1h de route de Toulouse. Allez, c’est parti ! Il faut grimper encore un peu pour arriver jusque chez eux….mais la vue est incroyable. Tu vois les montagnes, là-bas ? Les sommets des Pyrénées sont tous blancs et ressortent bien sur le ciel bleu que nous avons aujourd’hui. En continuant notre chemin, on aperçoit au loin un grand bâtiment rectangulaire. C’est là que nous allons, à la rencontre de nos héroïnes du jour ! Ah ! NovaNova, la chienne Berger australien, gardienne des lieux, nous accueille. CoucouCoucou Nova ! Dans l’enclos extérieur, deux alpagas, Moka et Brownie, nous regardent d’un drôle d’airair, sous leur épaisse frange de poils. Mais les vraies stars de la ferme de Courneillac, ce sont elles ! Des chèvres angoras ! 

Chèvre ou mouton ?

On dirait des moutons avec leurs longs poils blancs ondulés, mais non, ce sont bien des chèvres ! Il faut dire que les moutons et les chèvres sont cousins, et se ressemblent parfois beaucoup, surtout chez les races domestiques, que les humains ont transformées à leur guise. Chèvres et moutons font partie de la famille des Bovidés, qui englobe aussi bien les bisons et les buffles que les bouquetins et les antilopes de toutes tailles. Moutons et chèvres appartiennent plus particulièrement au genre des Ovins. Ce sont des ruminants, c’est-à-dire qu’ils mangent des végétaux, qu’ils vont mâcher, à plusieurs reprises au cours de la journée. Mais, si les moutons broutent surtout ce qu’ils trouvent au sol, les chèvres, elles, préfèrent déguster des plantes de hauteur variées, et peuvent se contenter d’un régime pauvre en fibres. Ah, Ollieg le bouc, approche son museau pour une gratouille ! Il a beau être imposant, il adooore les câlins. Tu vois ses longues cornes torsadées, qui partent vers l’arrière de sa tête, et s’étendent sur les côtés ? Chez les chèvres angoras, mâles et femelles portent des cornes, mais celles des mâles sont plus massives. Celles des femelles forment des arcs de cercle, qui partent du haut du front et s’incurvent derrière leur tête. Et tu as vu ses yeuxyeux ? Tout comme les moutons et les chevaux, les boucs et les chèvres ont des pupilles allongées, en forme de rectangle alors que les nôtres sont rondes. Cela leur donne un air un peu étrange pour nous, mais c’est très pratique pour eux ! Ces yeux particuliers, placés sur les côtés de leur tête, leur procurent un champ de vision plus large, bien utile pour surveiller les alentours et l’arrivée de prédateurs ! 

Une histoire commune, vieille de plus de 10 000 ans 

Si Ollieg ainsi que tous les autres pensionnaires de la chèvrerie semblent si curieux et viennent aussi vite vers nous, c’est que les chèvres et les humains vivent ensemble depuis un sacré petit moment ! On estime que les humains les ont domestiquées au Néolithique, il y a entre 10 000 et 12 000 ans dans la zone du Croissant FertileCroissant Fertile, qui englobe actuellement la Syrie, le Liban, l’Irak ou la Palestine. Les archéologues ont trouvé les premières traces de ce que l’on appelle la « sédentarisation » des humains il y a 14000 ans. Avant cela, les humains étaient nomades et ne restaient jamais très longtemps au même endroit. Cela fait donc de la chèvre, un des animaux qui vit depuis le plus longtemps à nos côtés avec le mouton et la vachevache. La poule n’aurait par exemple été domestiquée qu’il y a 8000 ans, et l’âne, 6000 ans. On ne dirait pas comme ça, mais en comparaison, c’est très récent !

Il existe encore des chèvres sauvages qui vivent en milieu naturel, comme en Crète et dans les montagnes de Turquie et du Caucase. On les reconnaît à leurs longues cornes qui ressemblent à celles de leurs cousins bouquetins, leur pelage brun, et à une trace noire sur le poitrail qui leur dessine un large collier. Si nos chèvres domestiques ont conservé leur résistancerésistance et leur amour des espaces rocheux escarpés, certaines d’entre elles ne ressemblent plus du tout aux chèvres sauvages ! La domesticationdomestication les a, peu à peu, transformées et nos chèvres domestiques ont gagné leur propre nom latin: Capra hircus.

Des chèvres sélectionnées et modifiées par la domestication

On dénombre plus de 300 races de chèvres domestiques à travers le monde, qui sont toutes différentes. Les chèvres anglo-nubiennes ont de longues oreilles pendantes, et les chèvres poitevines hautes sur pattes ont des poils longs et foncés alors que les chèvres Saanen, originaires de Suisse, ont le poil ras et sont toutes blanches, comme la chèvre de Mr Seguin ! Malgré leurs différences, tous ces animaux sont de la même espèceespèce, tout comme un huskyhusky et un chihuahua appartiennent à la même espèce également; le chienchien. Toutes les races de chèvres ont été sélectionnées par les humains, pour leur fournir de la laine, du lait ou de la viande, pour leur caractère plus docile ou pour leur aspect, comme la couleurcouleur de leur pelage ou leur taille. Certaines chèvres n’ont même plus de cornes à présent !

Pour obtenir ces qualités précises, les éleveurs font se reproduire entre eux, des individus qui présentent les caractéristiques qui les intéressent, comme par exemple leur grande taille. Ils auront alors des chevreaux qui seront hauts sur pattes, comme leur papa et leur maman ! Comme tu peux le sentir, en caressant le pelage fourni de Ronce, qui vient de nous rejoindre, c’est pour leur laine, que l’on appelle mohairmohair, que les chèvres angoras ont été sélectionnées. Elles sont tondues deux fois par an. Ce n’est pas leur moment préféré de l’année, mais elles se laissent faire sans bouger pendant la tonte, et ça ne leur fait pas mal. En moyenne, chaque chèvre produit 4 kgkg de laine brute par an. Cette laine, douce et chaude, est ensuite nettoyée et tissée pour former le ruban, qui est utilisé pour fabriquer des vêtements. Pour obtenir une bonne paire de chaussettes, il faut 30 grammes de ruban, et pour un gros plaid, il faut plutôt compter 1 à 2 kg de ruban. Ce qui veut dire qu’une chèvre, en une année peut fournir de quoi confectionner 2 à 4 plaids ou 100 paires de chaussettes. Impossible donc de produire à la chaîne, comme les marques de vêtements actuelles qui proposent des centaines de nouveaux habits par jour ! Et c’est tant mieux ! Il vaut mieux fabriquer moins mais de meilleure qualité ! La planète apprécie !

Se reconnaître à l’odeur

En ce moment, dans le Comminges, c’est la période des naissances ! Quelle chance ! En février et mars, les chevreaux arrivent. Regarde, toutes les futures mamans, sont regroupées dans cet enclos, pour être surveillées de près. Comme chez les chèvres sauvages, nos chèvres domestiques forment de petits groupes sociaux, qui incluent des femelles et leurs chevreaux. Les boucs vivent de leur côté. Le lien qui se noue entre la maman chèvre et son bébé est très fort ! Au moment de la naissance, la mère lèche beaucoup son nouveau-né : elle apprend ainsi à reconnaître son odeur et lui, s’imprègne de l’odeur de sa mère. C’est un moment très important, qui leur permet de se retrouver dans le groupe par la suite ! Très vite, au bout de quelques heures seulement, le chevreau peut se lever sur ses pattes et suivre sa maman. Ce phénomène qui lie la chèvre à son petit, dans les premières heures après la naissance, s’appelle l’empreinte. 

Des vocalisations pleines d’émotion !

Les mères s’occupent de leurs bébés jusqu’à la naissance du petit suivant, qui arrive souvent 1 an plus tard. Les chevreaux et leurs mamans communiquent beaucoup par la voix. Comme tu peux le constater, ils ont plein de choses à se dire ! Les chèvres sont très sociales, et en plus d’échanger des informations, elles transmettent également leurs émotions aux autres. La chercheuse Élodie Briefer s’y est beaucoup intéressé. Tiens, écoute ce qu’elle m’a envoyé. Ça c’est un chevreau qui crie et partage une émotion négative comme de la frustration, parce qu’il n’a pas à manger, ou qu’il est séparé de sa mère. Et ça, c’est le cri qu’il pousse dans une situation positive, comme par exemple quand on le remet avec sa maman. 
L’équipe scientifique d’Elodie Briefer a ainsi prouvé que les chèvres reconnaissent les cris de leurs petits avec précision. Elles réagissent même aux cris de leurs jeunes, alors qu’ils sont indépendants et sevrés depuis plusieurs mois. Et même lorsqu’elles ne les ont pas entendus depuis plus d’un an, les mamans chèvres sont capables de reconnaître immédiatement les cris de leur petit, qui ont pourtant grandi depuis et changé de voix . Elles ont donc une sacrée mémoire !
En plus d’être de super communicantes entre elles, les chèvres sont très fortes pour comprendre d’autres animaux étranges qui vivent avec elles : les humains !

Des chèvres qui décryptent les expressions du visage humain

À force de vivre avec nous, de nombreux animaux domestiques sont devenus experts en comportement humain. C’est le cas des chèvres ! Le scientifique Christian Nawroth et son équipe de recherche se passionnent pour leur intelligenceintelligence depuis plusieurs années. Ils ont constaté, par exemple, que les chèvres sont capables d’identifier les émotions d’un visage humain ! Quand les expérimentateurs leur présentent deux photos d’une même personne qu’elles ne connaissent pas, l’une souriante, et l’autre en colère, avec les sourcilssourcils froncés, les chèvres s’approchent davantage et restent plus longtemps près de la photo souriante. Donc, non seulement, elles peuvent faire la différence entre ces deux émotions, mais elles préfèrent aussi passer plus de temps avec un humain au visage détendu ! Il y a fort à parier que les humains sont beaucoup moins doués pour identifier les émotions des chèvres !
Mais ce n’est pas tout ! 

Humain attentif ou distrait ?

Une autre étude menée par la même équipe montre que nos biquettes peuvent également demander de l’aide, et que pour ce faire, elles se tournent vers les humains qui sont attentifs, ou non, à leur situation. Dans cette expérience, chaque chèvre se retrouve face à une récompense appétissante, enfermée dans une boîte en plastiqueplastique transparente. Lors des premiers essais, à force d’entraînement, les chèvres parviennent à récupérer la récompense. Mais lorsque les scientifiques corsent l’exercice en collant le couvercle à la boîte, patatras ! La récompense est là, bien visible dans la boîte, mais impossible pour elles de l’ouvrir ! Quelle frustration ! Pendant qu’elles sont confrontées à ce problème insoluble, un scientifique se trouve dans la pièce avec elles. Soit , l’humain est agenouillé, et regarde la chèvre, soit, il lui tourne le dosdos, et ne peut donc pas la voir. Résultat des courses ? Les chèvres regardent plus rapidement et plus longtemps les humains qui les regardent que ceux qui leur tournent le dos ! Elles comprennent donc que les deux situations sont différentes et que l’humain attentif est susceptible de les aider ou de leur donner une récompense. Ce genre de comportement avait déjà été observé chez d’autres animaux domestiques comme les chevaux ou les chiens, mais jamais chez des animaux comme les chèvres, qui sont plus souvent élevés comme animaux de rente que comme animaux de compagnie !

Voilà de quoi repenser notre relation aux animaux d’élevage, sensibles et futés, qui nous connaissent bien mieux que nous, nous ne les connaissons !

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