Durant les premiers 100 millions d’années de son histoire, la Terre a connu une évolution très rapide avec notamment la solidification du manteau fondu appelé océan de magma. Une étape cruciale qui a permis la différenciation chimique du noyau, du manteau et de la croûte, mais qui reste encore très mal contrainte. Grâce à un nouveau modèle, des chercheurs proposent cependant un scénario qui pourrait expliquer nombre d’observations.
Tout au fond du manteau terrestre, à l’interface avec le noyau liquideliquide, se trouvent d’immenses structures présentant une signature sismique qui laisse perplexe les scientifiques depuis leur découverte. Situées principalement sous l’Afrique et le Pacifique, ces structures correspondent en effet à des zones dans lesquelles les ondes sismiques se déplacent anormalement lentement.
Une observation qui laisse penser que ces LLSVP (acronyme pour Large Low Shear Velocity Province) sont associées à une température et une composition chimique différentes du reste du manteau. Ces hétérogénéités thermochimiques pourraient être héritées de l’étape de solidificationsolidification de l’océan de magma primordial. Cette interprétation soulève cependant beaucoup de débats au sein de la communauté scientifique.
Différents scénarios pour la cristallisation de l’océan de magma primordial
Après sa phase d’accrétionaccrétion, la jeune Terre n’a en effet pas tout de suite présenté la succession d’enveloppes que nous lui connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire une croûtecroûte surmontant un manteau solidesolide et un noyau métallique. Ces trois grandes enveloppes se sont formées par une migration des éléments chimiqueséléments chimiques en amont, puis au cours de la solidification d’un océan de magma primordial.
Il n’existe cependant pas de consensus réel sur la façon dont a cristallisé cet océan de magma. Le modèle classique suggère ainsi que la cristallisation a débuté par la base avant de progresser vers le haut. Mais un scénario alternatif est également discuté. Celui-ci propose que la cristallisation ait débuté à mi-profondeur, menant ainsi à la formation d’un océan de magma basalbasal et d’un océan de magma superficiel. Ce dernier aurait ensuite cristallisé rapidement, contrairement à l’océan de magma basal qui aurait mis bien plus de temps.
Pour mieux contraindre cette étape de la cristallisation de l’océan de magma, une équipe de chercheurs de l’Institut de physiquephysique du globe de Paris a construit un nouveau modèle numériquemodèle numérique prenant en compte l’évolution des phases liquides et solides, les diagrammes de fusionfusion des différents minérauxminéraux et la répartition des éléments chimiques au cours de la cristallisation du magma. L’objectif étant de capturer la dynamique du processus de cristallisation de l’océan de magma à une échelle planétaire. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature.
La profondeur de cristallisation n’est finalement pas le facteur important !
Ils révèlent que la plupart des cristaux se sont formés plutôt à basse pressionpression, c’est-à-dire dans la partie supérieure de l’océan de magma, contredisant ainsi l’hypothèse d’une cristallisation par la base. Mais le mécanisme principal à l’origine des différents réservoirs géochimiques primordiaux semble être avant tout la ségrégationségrégation gravitationnelle résultant de cette cristallisation.
« Le modèle suggère que la phase solide formée en surface n’ait pas été statique, mais au contraire soit venue replonger dans le manteau, explique James Badro, co-auteur de l’étude. En arrivant à la base du manteau, ces portions solides ont alors été refondues. Cette phase liquide secondaire, riche en oxyde de ferfer, s’est alors accumulée au fil du temps, juste au-dessus du noyau pour former un océan de magma basal. »
Cette nouvelle étude montre donc que la formation d’un océan de magma basal aurait été inévitable, « quelle que soit finalement la profondeur à laquelle aurait démarré la cristallisation », affirme le chercheur.
« Nos résultats montrent que le processus de cristallisation de l’océan de magma a été bien plus dynamique que les précédents modèles le supposaient. Il y a eu d’intenses échanges verticaux et cela permet d’expliquer la géochimie que l’on observe aujourd’hui dans le manteau. »
Le modèle permet également d’expliquer la formation des LLSVP à la base du manteau, même si de nouvelles études seront nécessaires pour tester leur formation dans ce contexte.
« Ces résultats ont également une forte implication pour comprendre la géodynamique terrestre, puisqu’ils suggèrent que les éléments chimiques radioactifs comme l’uraniumuranium, le thoriumthorium et le potassiumpotassium, dont la désintégration est une source de chaleur interne de la Terre, étaient principalement concentrés à la base du manteau, et non pas dans le manteau superficiel. Pour s’échapper vers la surface, cette chaleurchaleur doit donc traverser tout le manteau. Cela implique une dynamique distincte de celle du manteau terrestre solide à l’Archéen » conclut James Badro.