Avant les missions Pioneer et surtout Voyager, les planètes géantes du Système solaire n’étaient étudiées qu’avec des télescopes. Cela n’a pas empêché l’astronomeastronome américain d’origine allemande Rupert Wildt (1905-1976) d’être l’auteur des premiers modèles de l’intérieur des planètes géantes – modèles qu’il a proposés et développés au cours des années 1940 et 1950.
Selon lui, l’intérieur des planètes JupiterJupiter et SaturneSaturne était probablement constitué d’un petit noyau rocheux couvert d’une épaisse couche de plusieurs glaces (elle n’est pas uniquement formée d’eau), le tout enveloppé dans une vaste atmosphèreatmosphère fluide, composée essentiellement d’hydrogène et d’hélium avec un peu de méthane. Ces modèles s’appliquent aussi à UranusUranus et Neptune, à ceci près que l’on pense savoir aujourd’hui que ces géantes doivent posséder un manteaumanteau de glaces bien plus important entourant un noyau rocheux. Celui de Jupiter serait porté à des températures de l’ordre de 20 000 K (on estime sur Terre que la température doit atteindre les 6 000 K), avec bien sûr des pressionspressions gigantesques difficilement reproductibles dans les laboratoires sur Terre.
L’étude de l’intérieur des planètes peut se faire depuis l’espace en cartographiant leurs champs de gravitationgravitation et les champs magnétiqueschamps magnétiques de leurs magnétosphèresmagnétosphères. La connaissance de ces champs sert à son tour à la réalisation de missions spatiales avec des sondes qui se mettent en orbiteorbite autour des planètes.
Uranus, tout comme Neptune, n’a jamais bénéficié d’une mission d’exploration dédiée. En avril 2022, la géante glacée est placée en priorité numéro 1 pour la prochaine mission « Flagship » de la Nasa. Depuis le survol d’Uranus par Voyager 2 en 1986, des dizaines de scientifiques défendent en effet un projet d’exploration qui permettrait d’atteindre Uranus à son équinoxe, en 2044. Mais comment se projette-t-on aussi loin, aussi bien dans le temps que dans l’espace ? Et pour quels enjeux ? Vous aurez le point de vue d’une « jeune » chercheuse sur la prochaine grande aventure de notre Système solaire… Une conférence donnée par Léa Griton aux Rencontres du ciel et de l’espace 2024. © Association Française d’Astronomie
Des missions pour étudier la magnétosphère et l’atmosphère d’Uranus
Depuis quelques années, la NasaNasa et l’ESAESA s’interrogent sur des projets de sondes à destination spécifiquement d’Uranus, notamment dans le cadre des missions Uranus orbiter and probe ou UOP (en français « sonde et orbiteur pour Uranus ») pour la première ou Muse (en anglais : Mission to Uranus for Science and Exploration) pour la seconde. Dans les deux cas, il s’agira d’étudier in situ à partir d’une sonde en orbite autour d’Uranus son atmosphère, sa structure interne, ses satellites naturels, ses anneaux et sa magnétosphère à l’horizon des années 2040.
Mais pour analyser les données concernant l’atmosphère et la magnétosphère d’Uranus, il faut pouvoir disposer d’un référentielréférentiel et d’un repère avec des longitudeslongitudes et des latitudeslatitudes pour son noyau glacé sous les couches de son atmosphère. Cela revient aussi à disposer d’une vitesse de rotationvitesse de rotation définie de son cœur et de la position des pôles de son champ magnétique.
Ce sont des questions qui restaient sans vraies solutions car le cas d’Uranus est complexe et on ne peut pas simplement transposer le modèle de la géodynamo de notre Planète bleue. En effet, Uranus a son axe de rotation qui est quasi parallèle au plan de l’écliptiqueplan de l’écliptique, alors que son axe magnétique est quasi perpendiculaire à l’axe de rotation.
Une définition des pôles magnétiques et des longitudes d’Uranus
Toutefois, comme l’explique un communiqué de l’Observatoire de Paris – PSL, une publication dans la revue Nature Astronomy, parue le 7 avril 2025 et que l’on doit à une équipe menée par des membres de l’Observatoire, a fait progresser notre connaissance en s’attaquant, selon ses mots, à un problème vieux de plusieurs décennies : redéfinir la vitesse de rotation du cœur de cette planète.
Les planétologues ont pour cela utilisé non seulement des données collectées par Voyager 2 lors du survolsurvol d’Uranus en 1986, mais aussi d’autres données provenant de plus d’une décennie d’observations avec le télescope HubbleHubble.
Pour obtenir la mesure la plus précise à ce jour de la vitesse de rotation du cœur d’Uranus, à savoir 17 heures 14 minutes et 52 310 sec +/-0,035 sec, l’équipe de Laurent Lamy, astronome adjoint au LIRA (Laboratoire d’instrumentation et de recherche en astrophysiqueastrophysique) de l’Observatoire de Paris – PSL et au LAMLAM (Laboratoire d’astrophysique de Marseille), composée de Renée Prangé, directrice de recherche CNRS au LIRA, et de Jérôme Berthier, astronome au LTE (Laboratoire Temps-Espace), deux laboratoires rattachés à l’Observatoire de Paris – PSL, a eu une idée ingénieuse.
Les planétologues se sont en effet servis des instruments pour faire de l’astronomie dans l’ultravioletultraviolet équipant Hubble. En donnant une vision alternative au visible des aurores polaires d’Uranus, il devenait possible de déterminer précisément la position des pôles magnétiquespôles magnétiques, puis d’en déduire la rotation interne de la planète.
Les chercheurs commentent ce qu’ils considèrent comme une avancée capitale pour la planétologie et l’exploration spatiale dans le communiqué de l’Observatoire de Paris – PSL.
Laurent Lamy explique ainsi : « Cette mesure fournit une référence clé pour toute la communauté de la planétologie. Ce travail a aussi permis de retrouver la position des pôles magnétiques, perdue il y a quatre décennies. Avec notre nouveau système de longitude, nous pouvons désormais comparer des observations étalées sur un siècle, ce qui est crucial pour l’étude au long courslong cours de la magnétosphère Uranienne et préparer de futures missions vers Uranus. »
Son collègue Jérôme Berthier (LTE) ajoute : « Le LTE a participé à cette avancée sur la connaissance d’Uranus en mettant à disposition un outil de calcul d’éphémérides qui a permis la mise en œuvre de cette nouvelle méthode exploitant des observations réalisées sur le long terme. Elle nous permet à présent de fournir des éphémérides physiquesphysiques d’Uranus d’une plus grande précision. À titre d’exemple, une période de rotationpériode de rotation plus longue de 28 secondes implique qu’entre le survol de Voyager 2Voyager 2 le 24 janvier 1986 et la parution de l’article, le 7 avril 2025, Uranus a fait 9 tours de moins que ce que nous pensions. Ce gain de précision dans le calcul des éphémérides physiques d’Uranus est indispensable pour préparer les futures missions spatiales d’exploration de la planète qui fourniront à leur tour de nouvelles données. »
Enfin, pour Renée Prangé (LIRA), concernant Uranus : « Nous pourrons ainsi accéder à la structure de son champ magnétique si particulier et comprendre ses processus d’interaction avec le vent solairevent solaire pour toutes les configurations rencontrées le long de son orbite de 84 ans autour du SoleilSoleil. Ces modèles, impliquant des conditions très diverses – et fondamentalement différentes de celles observées pour les planètes traditionnelles du Système solaire – pourraient également ouvrir la voie à des études futures des interactions dans les systèmes étoileétoile–exoplanèteexoplanète. »