Un satellite n’est-il pas déjà autonome ? Oui, en grande partie. Il dispose déjà de nombreuses commandes pré-enregistrées pour gérer sa santé et ses besoins essentiels tels que l’orientation des panneaux solaires pour l’apport en énergie, l’utilisation des sous-systèmes de chauffage ou de refroidissement selon l’exposition au Soleil, ou encore son orientation.
Tous ces besoins peuvent être assurés plus ou moins automatiquement par la plateforme du satellite. Reste la charge utile, partie du satellite dédiée à sa mission. Pour l’optimiser, la prochaine révolution du spatial serait-elle de remplacer la décision humaine par l’IA ?
Lime : le satellite intelligent
Y a-t-il un pilote dans le satellite ? En dehors des astronautes aptes à piloter un vaisseau, les opérateurs restent sur Terre. Ils échangent jour après jour leurs télécommandes avec les télémesures du satellite. C’est très coûteux en équipe, également en infrastructures de communication et d’opération (antennes, centre de contrôle), l’efficacité du satellite reste indexée à la vitesse de prise de décision humaine.
Avec l’intelligence artificielleintelligence artificielle (IA), on attend de pouvoir déléguer une partie, voire la totalité, de ces opérations au satellite lui-même, avec l’œilœil humain réassigné à la surveillance pour des raisons de sécurité. Avec le nanosatellitenanosatellite LIME (Low-Latency Intelligence Experiment, 4 kilos, mis en orbite le 14 janvier), la start-upstart-up américaine Novi a réussi à démontrer qu’un satellite peut être entièrement autonome avec une IA capable d’analyser les données et de prendre des décisions.
Pour sa démonstration, Lime a embarqué un logiciellogiciel de simulation développé par Sedaro et fonctionnant comme un jumeau numériquejumeau numérique afin de réaliser des opérations autonomes répondant à un environnement virtuel en continu. Le principal financeur de cette mission est le laboratoire de recherche de l’US AirAir Force (AFRL), qui espère voir des applicationsapplications militaires où le satellite pourrait décider seul la façon de réagir en cas d’espionnage ou d’attaque antisatellite.
ϕ-Sat : le traitement de données par IA
L’Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne a déjà un pied dans l’IA embarquéeIA embarquée depuis plusieurs années avec le programme ϕ-Sat. Un premier cubesat avait été mis en orbite pour tester la capacité d’une IA en orbite à trier des images satellites afin d’envoyer sur Terre seulement les images utilisables, un procédé qui fait gagner du temps car le transfert de données vers le sol peut être long.
Mis en orbite l’année dernière, ϕ-Sat-2 et son IA doivent discriminer les images contenant des nuagesnuages, y détecter des navires, ou encore transformer un cliché en carte pour répondre rapidement à une situation de catastrophe naturellecatastrophe naturelle.
Le traitement de données par IA embarquée devrait ouvrir la voie vers un futur radieux dans le domaine du géospatial. On y espère voir une optimisation du temps de prise de décision, ce qui peut donner un avantage dans un conflit armé. En effet, les opérations sur un champ de bataille sont dépendantes des données satellites. Plus vite on peut anticiper les mouvementsmouvements de l’ennemi, plus on pourra sauver de vies et contrattaquer.
Varda, Alatyr : plus besoin des astronautes ?
L’entreprise américaine Varda Space a déjà réalisé deux missions de test « d’usine spatiale », et est actuellement en train d’en piloter une troisième. Les capsules qui reviennent sur Terre à Mach 25 dans un fantastique ballet de flammes démontrent la possibilité de conduire la production de médicaments en microgravitémicrogravité sans besoin d’astronaute, une application qui intéresse fortement l’industrie pharmaceutique.
Ce jeudi 3 avril, à Cannes, au congrès international Health from Space dédié aux questions d’application du spatial à la santé, la start-up française Alatyr fondée en 2023 a dévoilé son projet de station spatialestation spatiale robotiquerobotique et autonome, une station spatiale qui n’aurait pas besoin d’astronautes. Ce concept apparait de plus en plus dans le domaine du vol habité. À l’avenir, la NasaNasa n’exclut pas la fin d’une présence continue d’astronautes américains dans l’espace.
Les astronautes de la Nasa seront de plus en plus concentrés sur les missions d’exploration planétaires (Artemis, Mars), délaissant peu à peu les stations spatiales en orbite basse. Elon MuskElon Musk veut d’ailleurs se débarrasser de l’ISSISS le plus vite possible. La station spatiale sera remplacée par des stations commerciales dont la Nasa serait locataire, mais probablement pas en continu. Les expériences à bord devront alors parfois être autonomes. C’est d’ailleurs aussi ce qui est souhaité pour la base lunaire ou encore la station GatewayGateway en orbite lunaire.
Vue d’artiste de la station spatiale 100 % robotique. Aura-t-on encore besoin des astronautes ? Quelle sera la part de l’IA dans la gestion des stations spatiales à l’avenir ? © Alatyr
Les limites
Peut-on toutefois laisser les choses se faire toutes seules en orbite ? Certes, un satellite n’a pas de passager humain. Mais le laisser prendre des décisions tout seul peut poser des questions de sécurité, surtout quand il se déplace, car le risque de collision est grand. L’orbite basse est particulièrement surpeuplée de débris spatiaux et on manque cruellement de moyens aujourd’hui pour suivre avec précision et réactivité le trafic spatial.
S’ajoute aussi la question de la cybersécurité. Si le satellite est apte à prendre des décisions tout seul, on pourrait alors tenter de le pirater. Au salon européen Cysat de cybersécurité et du spatial, l’ESA a lancé le défi de pirater son nanosatellite OPS-SAT. Défi relevé par Thales Alenia Space. Enfin, il faut prendre en compte les erreurs que peut faire l’IA embarquée. Et si elles conduisent à la perte du satellite ?
Tant que ces grands défis ne sont pas résolus, le satellite 100 % autonome ne sera pas une réalité à grande échelle. Cette révolution se produirait alors petit à petit en commençant par les nanosatellites non manœuvrants, ce qui est trop lent pour certains, comme Sedaro, qui sont prêts à rendre open sourceopen source leur savoir-faire pour accélérer le temps. Apprentis sorciers ? Pour la même raison qu’on ne voit toujours pas voler de drones autonomes au-dessus de nos têtes, ces solutions ne sont pas – encore – compatibles avec la culture de sécurité dans le spatial. Mais ça peut vite changer.