La mésange charbonnière a ses propres traditions culturelles

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Retrouvez le podcast à l’origine de cette retranscription dans Bêtes de science. © Futura

 

Ça y est ! C’est le printemps ! Tous les signes sont là. Il fait plus doux, nous profitons d’une belle journée ensoleillée, et les insectes pollinisateurs sont de sortie ! Une grosse abeille charpentière violette passe en vrombissant sous notre neznez, des papillons se tournent autour, et des syrphes, des mouches parées des mêmes couleurscouleurs que les guêpes, butinent les premières fleurs qui apparaissent. Les végétaux, bien arrosés par les giboulées de mars, sont d’un vert éclatant. Et surtout, les oiseaux chantent à gorge déployée ! Même dans mon tout petit jardin, proche de la route, c’est une véritable symphonie. Le merle et la merlette donnent de la voix, tout comme les moineaux domestiques, les chardonnerets, et les mésanges. 

Les mésanges bleues et charbonnières, petits passereaux ordinaires

Est-ce que tu sais les reconnaître ? Les mésanges sont des oiseaux très communs, qui n’ont pas peur de grand chose, et que l’on retrouve un peu partout, même en pleine ville. Les espèces de mésanges que l’on croise le plus fréquemment sont les mésanges bleues et les mésanges charbonnières. Ce sont elles nos héroïnes du jour ! La mésange charbonnière, de son nom latin Parus major, est un petit oiseau, un passereaupassereau, qui appartient à la famille des Paridés. C’est la plus grande mésange observable d’Europe de l’Ouest. Elle mesure en moyenne 25 cm d’envergure pour un poids de 16 à 20 grammes environ. Ses deux joues sont ornées de demi-cercles blancs, qui débutent au niveau de son becbec, sous ses yeux. Sa tête est noire et une large bavettebavette de la même couleur, s’étale au milieu de sa poitrine. Regarde bien cette bande noire verticale qui barre son ventre jaune, elle permet de distinguer les mâles des femelles ! Celle des femelles est plus fine que celle des mâles. Le dessus de leurs ailes, barré d’une rayure blanche, ainsi que leur dosdos, est d’une belle teinte vert-moussemousse et bleu ardoiseardoise. La mésange bleue, en comparaison, est plus petite que la mésange charbonnière et au lieu d’un capuchon noir, sa tête arbore des plumes d’un bleu vif !

Comme elle est très adaptable, on retrouve la mésange charbonnière un peu partout, dans tous les milieux. Mais pour nicher, elle aime s’installer en forêt, que ce soit au creux des chênes ou des conifères, comme des pins et des sapinssapins, un peu plus haut en altitude. Mais, s’il y a une boîte aux lettres de libre, ou un nichoir installé par des humains, la mésange ne dira pas non ! Les couples de mésanges s’entraident et restent ensemble pour une saisonsaison de reproduction, le temps d’élever leurs petits avant de se séparer. Il arrive que certains partenaires se retrouvent plusieurs saisons de suite, notamment s’ils vivent à un endroit où les mésanges se regroupent pour passer l’hiverhiver à plusieurs.

Beaucoup de bébés qui grandissent très vite ! 

La femelle construit le nid qui prend la forme d’une coupe, toute en mousse. C’est elle qui se charge de couver les œufs, qui sont blancs, tachetés de marron clair. Et il y a de quoi faire ! Les mamans mésanges produisent en moyenne 9 à 11 œufs par ponte, mais on a déjà vu jusqu’à 18 œufs pondus à quelques jours d’intervalles lors d’une seule et même couvéecouvée. Ça fait une sacrée famille ! Et beaucoup de bouches à nourrir. Le mâle mésange ravitaille d’abord sa compagne le temps qu’elle couve, pendant un peu moins de deux semaines, puis les deux parents s’alternent pour apporter à manger à leurs petits. Ils partent alors à la recherche d’insectes de toutes sortes, mais ils ont une préférence nette pour les chenilleschenilles, bourrées d’énergieénergie. C’est un sacré boulot et ils ne font que ça de leurs journées ! Les petits grandissent vite mais ont aussi TRÈS faim ! Rien de plus faux que l’expression « Avoir un appétit d’oiseau« . Les scientifiques ont calculé qu’un couple de mésanges donnaient jusqu’à 900 becquées par jour à leurs petits. Tu imagines ?

 Au bout de trois semaines seulement, les oisillons quittent le nid. On les reconnait bien, avec leur allure pataude, leur coin du bec encore jaune, et leur plumage ébouriffé et moins coloré que celui de leurs parents. Pendant 3 semaines de plus, les parents continuent à veiller sur leurs jeunes et à les nourrir. Et après ça…les adultes repartent pour un tour et donnent naissance à une seconde couvée, qui comprend, au moins 6 à 8 œufs ! On ne chôme pas chez les mésanges ! La vie est difficile pour les jeunes oiseaux sauvages, et malheureusement, comme c’est souvent le cas dans la nature, tous n’atteindront pas l’âge adulte. Mais ça fait quand même beaucoup de monde en plus, à chaque début de saison !

Les mésanges n’ont pas besoin de gardes du corps …

Les chasseurs tuent les corvidés comme les corneilles, les pies ou les geais, car ils les accusent de piller les nids des petits passereaux comme les mésanges, et en effet, cela peut arriver. Les corvidés aussi ont des oisillons affamés à nourrir ! Mais les couvées des mésanges sont si nombreuses, que ça ne les met absolument pas en danger si elles se font piquer des œufs par des prédateurs ! Donc, vouloir chasser les pies et les corneilles pour protéger les passereaux, ça n’a pas de sens ! Les proies sont toujours plus nombreuses que celles et ceux qui les mangent. Elles ne peuvent donc pas disparaître comme ça, juste parce qu’elles se font chasser par leurs prédateurs naturels !

Les mésanges charbonnières sont en quête de leur nourriture la majeure partie de la journée : insectes, mais aussi graines et fruits, quand elles n’ont pas de petits à élever. Lors de leur recherche de bonnes choses à manger, elles se mélangent volontiers avec d’autres oiseaux de leur espèce ou avec d’autres petits passereaux. On dit qu’elles forment des « rondes ».

De grandes communicantes 

Pour échanger les informations, les mésanges donnent de la voix ! Elles utilisent un large éventail de cris et de chantschants. Voici un chant, par exemple, que tu as peut être déjà entendu aux beaux jours. Ils sont surtout poussés par les mâles, pour défendre leur territoire, mais aussi pour attirer les femelles jusqu’à eux. Mais, contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, les femelles mésanges charbonnières savent aussi chanter ! Le chant est un apprentissage, et les jeunes oiseaux imitent bien souvent le chant de leur papa. Le chant est généralement assez long, structuré, et composé de plusieurs séquences qui se répètent. Les cris, en revanche, sont plus courts et ils sont utilisés pour plein de contextes différents, comme donner l’alerte ou dire à ses voisins où l’on se trouve. Celui-ci par exemple est un cri d’alarme, émis quand les mésanges charbonnières voient un chat ou un humain s’aventurer trop près d’elles.

Ces échanges bruyants peuvent sauver des vies ! Dès qu’un danger plane, une des sentinelles, qui surveille les alentours, sonne l’alerte, et tout le monde file se mettre à l’abri. Une étude scientifique parue en 2019 a montré que les mésanges poussaient des cris différents selon les prédateurs repérés, et le degré de menace qu’ils représentent. Elles crient plus longtemps, et avec des pauses silencieuses plus longues entre chaque cri, quand elles détectent un épervier, un prédateur qui risque de les mettre à son menu, que lorsqu’elles aperçoivent une chouette hulotte, un rapacerapace nocturnenocturne qui ne chasse pas les oiseaux de jour.

Il semblerait bien que les mésanges la jouent collectif…mais ce n’est pas seulement pour donner l’alarme qu’elles sont très fortes. On a observé qu’elles avaient aussi leurs propres traditions et qu’elles se les transmettent entre elles par apprentissage ! 

Mais QUI a volé le lait des bouteilles ? 

L’histoire commence au tout début du XXème siècle, en 1921, à Swaythling, une petite ville du Sud de l’Angleterre. Les habitants qui ont l’habitude de récupérer leur bouteille de lait sur le pas de leur porteporte tous les matins, se rendent compte peu à peu, que des voleurs sévissent. Les bouchons en carton, en cire, ou les opercules métalliques des bouteilles sont percés, ou soulevés, et une partie du lait, et de la crème qui y surnage d’ordinaire a disparu ! Qui a bien pu faire le coup ? Des observateurs attentifs les ont démasqués : ce sont les mésanges ! Mésanges bleues et mésanges charbonnières œuvrent en catimini pour piquer le lait, riche en gras, des honnêtes gens ! Des scientifiques se penchent alors sur la question, et constatent que les oiseaux se passent le mot ! Alors que l’on ne recense que quelques endroits où les bouteilles de lait sont ouvertes en 1921, ce n’est plus du tout le cas, 26 ans plus tard ! En effet, en 1947, on dénombre plus de 350 endroits différents dans tout le Royaume-Uni, où les mésanges piquent du lait ! De multiples questions émergentémergent alors…est-ce que les mésanges se copient les unes les autres, et apprennent comment faire en observant leurs congénères ? Ou est-ce que plusieurs mésanges ont eu la même idée, au même moment, dans des zones parfois très éloignées ? 

Un comportement culturel ?

La question est d’importance, car la transmission de ce comportement chez les mésanges ressemble beaucoup à ce que l’on appelle un apprentissage culturel. Chez nous, les humains, nous en avons tout plein : les vêtements folkloriques portés dans certaines régions, les accents et mots que l’on n’utilise pas partout comme dans l’éternel débat entre pain au chocolat et chocolatine ou encore, les traditions culinaires avec des plats propres à chaque partie du globe…tout cela est culturel ! Peut-être même qu’il y a des traditions dans ta famille, que les autres n’ont pas ? Une recette ou une date à laquelle tout le monde va au cinéma ? On dit qu’un comportement est appris culturellement, quand seul un groupe ou une communauté l’expriment, quand il est appris des autres, et quand il se transmet sur plusieurs générations.

À chacun sa technique !

Pour enfin savoir si les mésanges ont bien des comportements culturels, la chercheuse LucyLucy Aplin a mis au point une expérience publiée en 2015, qui a enfin apporté des réponses. Avec ses collaborateurs et collaboratrices, elle a posé des centaines de bagues aux pattes des mésanges charbonnières sauvages, dans les boisbois de Wytham, à côté d’Oxford. Chaque oiseau pouvait donc être suivi avec précision grâce à une puce électronique présente dans la bague, qui révélait son identité et ce qu’il faisait. 

Dès lors qu’elle pouvait suivre leurs moindres faits et gestes, la chercheuse a capturé 4 oiseaux bagués et les a entraînés en laboratoire. Comment ? En plaçant un vers de farine juteux – dont nos chères mésanges raffolent – derrière une porte coulissanteporte coulissante. Elle a alors entraîné deux des mésanges à ouvrir cette porte par le côté droit, peint en rouge, et deux autres à l’ouvrir par le côté gauche, peint en bleu. Les oiseaux étaient récompensés lorsqu’ils ouvraient la porte du bon côté et deux groupes ont ainsi été créés : le groupe rouge qui ouvrait la porte du côté droit, et le groupe bleu, qui avait appris à l’ouvrir du côté gauche. La scientifique a ainsi créé une tradition chez ces mésanges, selon la technique d’ouverture qu’elles ont apprise. Car, une fois relâchés dans la nature, les oiseaux entraînés sont retournés dans leur famille, leur groupe social, et les scientifiques les ont gardés à l’œilœil ! Ils ont ainsi pu voir qui apprend quelle technique et à quelle vitessevitesse !

Les mésanges ont des traditions 

En moins d’un mois, la grande majorité des mésanges copient la technique préférée de l’oiseau qui leur a montré comment faire. Plus de 400 mésanges ont ainsi appris à pousser la porte par le côté rouge ou bleu. Cette tradition dure dans le temps et est transmise aux petits qui naissent, puisqu’elle a été observée sur deux générations ! Et quand une mésange qui pousse la porte du côté bleu, est déplacée dans un nouveau groupe, là où, les oiseaux poussent du côté rouge, et bien l’individu change de stratégie pour adopter la tradition de son nouveau groupe. Incroyable, non ? Voici donc la preuve irréfutable que les mésanges apprennent les unes des autres, et qu’elles ont des traditions culturelles, tout comme nous ! 
 

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